Digne Martyn

François Gorin
Rock & Folk #219

Vous a-t-on dit que le dernier (et quatorzième) album de John Martyn, «Sapphire», était une splendeur ? Oui, on vous l'a dit. Mais vous a-t-on dit que, de temps en temps, John Martyn sortait de sa campagne écossaise et de sa réserve pour parler à «R&F»? Voici donc.

R&F - Souvent quand on rencontre un artiste, il vous dit que son dernier disque est ce qu'il a fait de mieux. Dans votre cas, ce ne serait pas entièrement faux.
J.M. - «Sapphire» est un des meilleurs, sûrement. Mon favori reste «Grace And Danger». Peut-être que celui-là souffre un peu de surproduction. Je suis sorti d'une phase où mon ex-manager voulait donner à ma musique une orientation plus commerciale; c'était un mauvais compromis el ce type n'en voulait qu'à mon blé. «Sapphire» en comparaison a été plus plaisant à faire. Sinon que, quand je suis arrive à Nassau, j'ai réalisé que les musiciens avec qui je devais enregistrer se détestaient entre eux! C'était bizarre. A la moitié, j'ai viré le producteur et le claviers, et Robert Palmer est venu me donner un coup de main.

R&F - Est-ce qu'enregistrer à Nassau influe sur votre façon d'écrire et de travailler?
J.M. - Musicalement, c'est sûr. Sinon, ça m'est difficile de travailler là-bas car j'ai très peu d'autodiscipline, et mon idée des Caraïbes, c'est les vacances! Et je ne suis pas encore assez blasé pour arriver là-bas et dire «bon, voilà, on y est, au boulot».

R&F - Vous avez écrit les chansons là-bas?
J.M. - Oui, la plupart. Je vais réécouter les démos originales parce qu'il est arrivé qu'une chanson change complètement en cours de route, de triste au départ devienne plutôt gaie! Tout ça est un peu confus. Là-bas, on est toujours à imaginer ce qu'on pourrait faire au lieu d'être enfermé en studio! Ce n'est pas comme quand vous enregistrez à Londres ou même à Glasgow, avec la grisaille dehors.

R&F - Pourtant dans vos chansons persiste ce feeling britannique, écossais.
J.M. - Bien sûr, toujours. C'est quelque chose que je ne peux enlever à ma musique, ce sont mes racines. Ce n'est pas conscient, je ne m'y accroche pas, cela s'accroche à moi.

R&F - Habituellement, vous vivez en Ecosse?
J.M. - J'habite un tout petit village, très calme, pas de route, je n'entends pas les voitures, seulement l'eau de la rivière, les oiseaux. Je vais racheter une église, comme la religion n'est plus très en vogue, ça ne coûte pas cher. Je vais y installer un studio, cela s'y prête bien.1 Peut-être que ça aura une influence mystique, qui sait?

F.G.


sitenotes:
1 This is the first time John ever mentioned considering buying the church in his home town. He would have to wait thirteen years before he could call himself owner of The Church With One Bell...
Rock & Folk was a French monthly magazine, published in Paris by Éditions du Kiosque. The half page story featured in the Flashes section. The original copy cost 12 francs.

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