Entretien Avec John Martyn

Gérard Nguyen/ Xavier Beal
Atem magazine #12

Entretien avec John Martyn

John Martyn, on n'a pas tellement l'occasion de le rencontrer. Il était cependant programmé au Bus Palladium, mais le concert a été annulé à la dernière minute. Et puis, oh surprise, on a appris qu'il était quand même à Paris, pour donner quelques interviews...

Rendez-vous a donc été pris, dans un hôtel pas loin du Boulevard St Germain, et c'est au bar, en compagnie de force boissons alcoolisées que nous avons un peu causé avec lui. John Martyn avait l'air un peu nerveux mais très très amical et la conversation a été maintes fois entrecoupée de rires et autres bruits pas trop serieux. Selon une habitude désormais bien établie 'les Atem' n'avaient pas préparé de questions. Oui, c'était bien là la rencontre avec un viex copain...

Qu'as tu fait aujourd'hui?
Euh, j'ai bouffé, j'ai fait aussi deux interviews et je dois faire une radio ce soir... Je devais faire un concert au Bus Palladium mais ça ne me convenait pas, aussi j'ai refusé... C'est un bon endroit pour venir boire un coup après un concert et voir des jolies filles, mais pour jouer, c'est assez dégueulasse...

Tu es venu présenter ton dernier disque? [One World, HB]
Oui, c'est ça... Le dernier disque a été produit par un autre mec et je l'ai laissé tout faire, même le mixage et le concept...*) Island m'a souvent donné des producteurs que je n'aimais pas, mais là, Chris Blackwell, je l'aime beaucoup et j'ai confiance en son oreille. One World est peut-être un peu plus commercial, mais ce n'est peut être pas un mal non plus pour moi, maintenant...

Entre One World et l'album précédent [Live At Leeds, HB], il s'est passé pas mal de temps. Qu'as tu fait?
Je suis allé à la Jamaïque, j'ai joué avec Lee Perry et c'était vraiment bien.

Tu ne veux pas enregistrer là-bas?
Peut-être, mais pas maintenant, car la situation politique est dégueulasse, tous les mecs sont très violents, et il y a beaucoup de racisme... La situation est d'ailleurs si dangereuse qu'on est quasiment obligé de rester à l'hôtel, sinon on se fait attaquer partout; pour 10 francs, ils te tuent... C'est vraiment dingue ... Dix pourcent seulement des gens là-bas savent lire. Mais les musiciens sont très bons, pas très sophistiqués, mais très bons...

Je crois que Eno est parti là-bas...
Ah oui? Les meilleures choses que Eno ait faites, ce sont les disques Obscure... Je n'aime pas sa musique à lui; il est trop intellectuel pour moi. Et le produit n'est pas suffisamment fort pour justifier toute sa 'parlance'. Il parle, il parle tellement qu'il y a du sang qui coule de mes oreilles... Ce qu'il fait est trop 'blanc' pour moi, trop Européen. C'est un peu comme des gens comme Albert Mangelsdorff, même si moi je suis Européen, Écossais... Je n'aime pas le nouveau jazz Européen: il n'y a pas assez de dirigisme, de romantisme... J'aime bien Debussy, Poulenc, les impréssionnistes et chez moi, j'écoute beaucoup Weather Report...

Pourtant tu as joué avec des gens comme Dudu Pukwana...
Lui, c'est autre chose... Il est fou... et il joue avec le coeur et l'esprit. En fait, j'aime les deux extrêmes: Robert Johnson ou la complexité de Parker ou de Coltrane. Si on écoute Coltrane, c'est très simple! La technique, elle, est très difficile... Ce n'est peut-être pas facile de faire le saut objectif, mais une fois qu'il est fait, c'est très simple...

Et des gens comme Bridget St. John ou Nick Drake...
Bridget? Je lui ai appris à jouer de la guitare... C'est de la bonne musique. Elle a beaucoup d'ambition. Cela fait dix ans que je la connais; elle veut tout faire. Si elle voulait seulement faire des disques, ce serait bien. Je n'en suis pas certain, mais je crois qu'elle en demande trop... Elle est aux U.S.A. et là-bas, il est impossible de travailler si l'on n'a pas de disque, et il est impossible de faire un disque si l'on ne travaille pas... C'est un cercle vicieux...

Nick Drake était quelqu'un d'extraordinaire... Nous étions grands amis. Il était le meilleur de toute la scène Anglaise. Il aimait beaucoup Françoise Hardy et il était venu à Paris. Il est resté dehors sous la pluie et puis il s'est décidé à sonner. La concierge a dit: 'Qui est là?' et il a répondu 'Nick Drake'! Ils se sont finalement rencontrés et Françoise Hardy voulait enregistrer des chansons de Nick, mais ça ne s'est pas fait; c'est très étrange... Nick Drake avait besoin d'une femme, de communication. C'était quelqu'un de très sensible, mais c'était aussi très dangereux...
Maintenant, c'est un peu nécrophile tout autour de lui... Cinq au six mecs des U.S.A. sont venus me faire parler sur Nick... S'ils s'étaient intéressé à lui à l'époque où il était vivant, super! (se mettant en colère) mais maintenant qu'il est 'fucking dead'... !!!

Qu'est-ce qui se passe maintenant en G.B.?
Rien! La nouvelle vague! (rires). Ça ne progresse pas beaucoup... C'est même rétrograde! Ça a peut-être l'esprit de My Generation des Who mais pas la force. J'ai vu cinq ou six concerts avec des groupes punk: dégueulasse, dégueulasse! Les Sex Pistols étaientent bien, mais les autres, c'est lamentable! C'est supposé être la New Wave mais tous ces enculés jouaient dans des groupes pop dans les années '52 (rires)! C'est une autre mode, une autre marchandise pour le marché... Je reste un peu un freak, pas vraiment cataloguable! Ah oui, j'aime aussi beaucoup Neil Ardley et son Kaleidoscope of Rainbows.

Tu as failli arreter après Live At Leeds...
Oui, j'étais fatigué; trop de cocaine, d'héroine... mais j'ai décidé de continuer car j'aime trop jouer, faire des voyages. J'ai appris ma leçon! Je ne recommencerai jamais le trip huit mois de tournées par an, pendant trois ans. Pas étonnant qu'on tombe malade...

Et la guitare? Tu n'aurais pas envie de faire un album de musique plus experimentale?
J'ai surtaut cherché sur le sustain... En gros, cela ce passe comme cela: la note sort du micro de la guitare et va dans le fuzz box que j'utilise, et ensuite elle va dans une combinaison entre le volume et la pédale wah-wah. Elle sort de là et va dans l'echoplex qui répète la note... Je peux donc jouer encore entre ces deux moments... C'est quelque chose de très élastique... Oui, j'aimerai bien faire un album de musique plus expérimentale, avec Neil Ardley, quelque chose de plus jazz... Mais il faudrait que j'en trouve le temps...

As-tu envie de jouer avec un groupe?
J'ai déjà joué avec Stevie Winwood, [batteur HB] Pierre Moerlen et le bassiste de Gong [Hansford Rowe HB]. C'était super. [Novembre 1977, London Rainbow Theatre HB]

Et avec Jon Stevens?
Jon Stevens, c'est comme mon frère. Il est super! Un jour, il m'a dit: 'Il faut faire trop de concessions, et si j'avais un métier à côté, il me serait possible de jouer sans aucune considération de fric'. Alors, il est retourné à l'Université! Et il a 38 ans! Il est fantastique... Dans deux ou trois ans, j'aimerais former un groupe avec lui, Danny Thompson et Beverley... Beverley ne fait plus rien pour le moment... On a trois enfants et c'est difficile de tourner avec eux...

Et les U.S.A?
J'y vais seul. Je joue à la même affiche qu'Eric Clapton. Cela va se passer dans des grands endroits; je crois que le plus petit fait 22.000 places. Mais c'est fantastique! J'aime bien, parce que c'est un challenge. Si on gagne le respect du public, c'est fantastique. 22.000 personnes qui applaudissent, ça doit faire beaucoup de bruit. Après ça, je viendrais à Paris pour un concert.

Tu crois qu'il est possible de communiquer avec 22.000 personnes?
Oui; il faut exagérer. Il faut parler très simplement, très directement, sans subtilités verbales... Musicalement, c'est la même chose... Aux U.S.A, le sens de l'humour n'est pas le même. Ils sont très extrovertis. C'est joyeux et j'aime ça. C'est aussi un peu violent de temps en temps (rires)... L'Amérique est un jeu. C'est très drôle. Les Noirs sont les mieux. J'aime beaucoup la société noire. Les blancs, c'est la société absolument matérielle. Une fois, j'ai vu une procession d'enfants qui portaient des bannières; sur la première était écrit 'PRIDE', sur la deuxième 'SUCCESS' et sur la dernière 'CLASS'. Des gamins de sept ans! Les pauvres. Je déteste les Américaines.... (couché à moitié sur la table devant le micro) JE DÉTESTE LES AMÉRICAINS!...
Les Français sont plus sophistiqués. Mais mon monde est sophistiqué; je cotoye des gens sophistiqués, comme les gens du business qui sont obligés de l'être... Et puis les voyages rendent sophistiqués...

Feras-tu bientot un live album? Aux U.S.A?
Non, plutôt en Angleterre. J'aime mieux l'ambiance. Le prochain disque sera surement en public. En studio, à force de chanter les chansons vingt ou trente fois, ça perd beaucoup... D'ailleurs, mon album préféré est Inside Out. Et Live At Leeds, bien sûr!

Et Island?
J'y reste pour dix ans. Je les comprends et ils me comprennent. Une autre compagnie n'aurait jamais accepté Live At Leeds.

Pourtant, au départ, c'est toi qui le vendais...
Oui, Island l'avait refusé. Ils voulaient de la musique, moi j'insistais sur le verbal. Quand je leur ai proposé de la faire moi-même, ils ont accepté tout de suite...
Vous avez parlé de Ogun Records... Je connais bien Ogun. Et c'est la même chose pour eux. Si on veut de l'argent, c'est difficile de trouver une compagnie. Mais si on veut juste enregistrer, ce n'est pas difficile. Même les petites compagnies ne sont pas intéressés par des choses qui ne se vendent pas. Même si la somme d'argent en cause n'est pas la même pour les petites compagnies, les principes sont les mêmes. Personne ne fait rien pour rien, même Ogun, même les gens du free jazz qui reçoivent des subventions de l'état ou du Arts Council... Ils devraient même en recevoir plus! Pour moi, le jazz moderne est la musique classique d'aujourd'hui. Stan Tracey, Keith Tippett et 'd'autres sont des musiciens fabuleux. Cela aurait été criminel de ne pas les enregistrer. Mais leur ambition est plus grande que le marché qu'ils ont. Ils essayent d'ouvrir la tête des gens, mais c'est difficile, elle reste fermée car il est plus facile de vivre avec une tête fermée...

Mais il faut faire des concessions...
Non, pas obligatoirement. Moi, ma carrière musicale est un accident. Je devais étre médécin. Mais quelqu'un m'a dit, 'Veux-tu faire un disque?' et j'ai dit 'Oui'. Mais si ça devait arreter demain, je ferais autre chose. Personnellement, je pense que je n'arrêterais jamais... J'ai essayé mais c'était impossible. Et il faut exister! Moi, j'existe tout seul; les autres ne m'influencent pas. Par la nature même de son existence, la pop musique est ouverte à l'exploitation. Elle reste deux ou trois semaines et disparaît.
La musique 'disponible', c'est un bon truc pour faire du fric ou des paris. J'aime bien les parieurs et les criminels, mais pas les criminels comme les agents d'assurance qui sont les plus grands criminels de la terre, avec les hommes de lois. Bon, c'est difficile de dire qui est criminel et qui ne l'est pas. Mais les pires sont les criminels protégés par la loi, comme les agents d'assurance. Les assureurs sont des criminels: ils font de l'argent sur la peur des gens; c'est un crime contre la société! La meilleure assurance, ce sont les amis... Mais si quelqu'un décide de voler une banque, je ne vois pas ce qu'il y a de mal. En fait, si quelqu'un venait me voir avec un bon plan pour voler une banque, je vous jure que j'étudierais cela sérieusement...

Propos recueillis le 15 Mars 78 par
Gérard Nguyen & Xavier Beal.



Interview with John Martyn

John Martyn, one does not have many occasions for meeting him. Nevertheless, he was programmed for the Bus Palladium, but the concert was cancelled at the last minute. And then, o surprise, we heard that he was in Paris just the same, to give some interviews...

So the meeting took place, in a hotel not far from the Boulevard St. Germain, and we talked a little with him in the bar in the presence of a load of alcoholic drinks. John Martyn appeared a little nervous but very very friendly and the conversation was interrupted many times by laughs and other not too serious noises. According to a habit henceforth well established, the Atem team had not prepared questions. This certainly was a meeting with an old comrade...

What did you do today?
Er, I have bolted, I also did two interviews and I have to do a radio [appearance] tonight... I had to give a concert at the Bus Palladium but this did not suit me, so I refused... This is a good place to come and have a drink after a concert and to see pretty girls, but for playing, it is rather unendurable...

Did you come to promote your latest record? [One World, HB]
Yes, that's right... The last album was produced by another guy and I let him do everything, even the mix and the concept...*) Island has often given me producers I did not like, but this time, Chris Blackwell, I like him a lot and I have confidence in his judgement. Perhaps One World is a bit more commercial, but maybe this is not bad for me either, at the moment...

Between One World and the preceding album [Live At Leeds, HB], considerable time has passed. What did you do?
I went to Jamaica, I have played with Lee Perry and that was really good.

You don't want to record over there?
Perhaps, but not at the moment, because the political situation is intolerable, all the blokes are very violent, and there is a lot of racism... The situation is indeed so dangerous that one practically is forced to stay in the hotel, otherwise you get mugged everywhere; for ten [dollars], they kill you... Really weird... Only ten percent of the people there know how to read. But the musicians are very good, not very sophisticated, but very good...

I think Eno has left the place...
He did? The best things Eno has done, are the Obscure records... I don't like his kind of music; it's too intellectual for me. And the output isn't strong enough to justify all of his chatter. He talks, he talks so much there's blood running from my ears... What he does is too 'white' for my taste, too European. It's a bit the same with people like Albert Mangelsdorff, even though I am a European myself, a Scotsman... I don't like new European jazz: there isn't enough leadership, not enough romanticism... I do like Debussy, Poulenc, the impressionists and at home, I listen to Weather Report a lot...

Yet you did play with people like Dudu Pukwana...
Him, that's something else... He is crazy... And he plays with the heart and the head. As a matter of fact, I like the two opposites: Robert Johnson or the complexity of [Charlie] Parker or [John] Coltrane. When you listen to Coltrane, it is quite simple really! The technique as such is very difficult... Perhaps it is not easy to take this leap, but once you made the jump, it is very simple...

And what about people like Bridget St. John or Nick Drake...
Bridget? I taught her to play the guitar... It is good music. She has a lot of ambition. I have known her for ten years now; she wants to do everything. If she wanted to make only records, that would be fine. I'm not sure, but I think she demands too much from them. She lives in the U.S.A. and over there, it is impossible to work if you haven't got a record, and it is impossible to make a record if you don't work... It's a vicious circle...
Nick Drake was an extraordinary person... We were great friends. He was the best in the whole English scene. He was very fond of Françoise Hardy and he had come to Paris. He stayed outside in the rain and then he decided to ring. The caretaker said: 'Who's there?' and he replied 'Nick Drake!' Eventually they met and Françoise Hardy wanted to record songs from Nick, but this has not taken place; very strange... Nick Drake needed a woman, understanding. He was a very sensitive person, but this was also very dangerous...
Now, it's a bit necrophile all around him... Five or six guys from the United States have come to me to talk about Nick... If they had been this interested in him at the time he was alive, fine! (losing his temper) But now that he's fucking dead...!!!

What's happening now in the UK?
Nothing! The New Wave! (laughs). Not much progress is being made there... It's even declining! It may have the spirit of My Generation of the Who but not the power. I have seen five or six concerts by punk bands: disgusting, disgusting! The Sex Pistols were good, but the others, they're miserable! It is supposed to be New Wave but all these assholes played in pop groups back in the year '52! (laughs) It is another fashion, another merchandise for the market... I remain a bit of a freak, hard to label!
Ah yes, I also like Neil Ardley a lot, and his Kaleidoscope Of Rainbows.

You almost stopped after 'Live At Leeds'...
Yes, I was tired; too much cocaine, heroin... But I have decided to go on because I love playing too much, and travelling. I have learned my lesson! I will never take the trip again of touring for eight months a year, for three years in a row. Not surprising you get sick...

And the guitar? Wouldn't you like to make a more experimental album?
I mainly wanted more sustain... Roughly speaking, it goes like this: the note comes out of the guitar's mike and is fed into the fuzz box that I use. Then it goes into a combination of volume and wah-wah pedal. It comes out of there and goes into the echoplex that repeats the note... So I can still play between these two moments... It is something very elastic...
Yes, I would like to make an album with more experimental music, with Neil Ardley, something more like jazz... But I will have to find the time...

Do you fancy playing with a group?
I have already played with Stevie Winwood, Pierre Moerlen [drums HB] and the bass player of Gong [Hansford Rowe HB]. That was great. [November 1977, London Rainbow Theatre HB]

And with Jon Stevens?
Jon Stevens, he is like a brother to me. He is great! The other day, he told me: 'You have to make too many concessions, and if I had a job on the side, it would be possible for me to play without any consideration for money.' And so, he went back to university! And he is 38 years old! He is fantastic... Within two or three years, I would like to form a group with him, Danny Thompson and Beverley... Beverley isn't doing anything any more right now... We have three children and it is difficult touring with them.

And the U.S.A?
I will go there alone. I share the bill with Eric Clapton. It is going to take place in large venues; I think the smallest one has 22.000 places. But it is fantastic! I like that, because it is challenging. If one gains the audience's respect, that's great. 22.000 people applauding, that must make a lot of noise. Afterwards, I will come to Paris for a concert.

Do you think it is possible to communicate with 22.000 persons?
Yes, you have to exaggerate. You have to talk very simple, very straight, without verbal subtleties... Musically, it's the same... In the U.S.A, the sense of humour is different. They are very extroverted. It's cheerful and I like that. It is also a little violent from time to time (laughs)... America is a game; it's very odd. The blacks are the best, I like the black community a lot. The whites form a totally materialistic society. One time, I saw a parade of children carrying banners. On the first one was written 'PRIDE', on the second one 'SUCCESS' and on the last one 'CLASS'. Seven year old kids! Poor children. I hate Americans... (bending over the table to the mike) I HATE AMERICANS!... The French are more sophisticated. But I live in a sophisticated world; I am close to sophisticated people, like business persons being obliged to be like that... Furthermore, travelling makes you sophisticated...

Will you make a live album soon? In the U.S.A?
No, I'd rather do it in England. I like the atmosphere better. The next record certainly will be a live one. In the studio, by singing the songs twenty or thirty times, a lot gets lost... By the way, my favourite album is Inside Out. And Live At Leeds, of course!

What about Island?
I have been with them for ten years. I understand them and they understand me. Another company never would have accepted Live At Leeds.

But at first, you sold that album yourself...
Yes, Island refused it. They wanted music, while I insisted on the lyric. When I suggested them to make it myself, they agreed right away...
You talked about Ogun Records. I know Ogun well, and it's the same with them. If you want to make money, it's hard to find a company. But if one only wants to record, that is not difficult. Even small companies though have no interest in things that do not sell. Even if the amount of money at stake is different for small companies, the principles are the same. Nobody does something for nothing, even Ogun, even the free jazz people that receive grants from the state or the Arts Council... They should get even more! For me, modern jazz is the classical music of today. Stan Tracey, Keith Tippett and others are fabulous musicians. It would have been a crime not to record them. But their ambitions are greater than the market they have. They try to open people's minds, but that is difficult, the mind remains closed because it is easier to live with your head shut...

But you have to compromise...
No, not necessarily. My own musical career is a coincidence. I was to become a doctor. But someone told me, 'Do you want to make a record?' and I said 'Yes'. But if it should come to an end tomorrow, I would do something else. You have to make a living! I live on my own; the others don't influence me. By it's very nature, pop music is subject to exploitation. It remains for two or three weeks and disappears.
'Available' music, that's a good trick to make money or bets. I kind of like gamblers and criminals, but not criminals like insurance agents, who are the greatest hoodlums on earth, together with lawyers. Okay, it hard to tell who is a criminal and who is not. But the worst are the gangsters that are protected by the law, like insurance agents. Insurers are criminal: they make money on people's fears. That's a crime towards society! The best insurance are your friends... But if anyone should decide to rob a bank, I don't see anything wrong with that. As a matter of fact, if somebody came to see me with a good plan to rob a bank, I swear I would give it serious thought...

Conversation recorded March 15 1978 by
Gérard Nguyen & Xavier Beal.
Translation: Hans van den Berk.


*) sitenote: It is not quite clear whom John is referring to, possibly John Wood.